lundi 18 janvier 2016

La grande faute du Président Jospin



C’est quand même de ne pas avoir lancé un projet de réforme du scrutin des présidentielles quand il était au pouvoir. Franchement, c’était plus important que le passage au quinquennat.
L’homme a la mémoire courte quand il a échappé au pire, il est bon parfois de la lui rafraîchir. Rappelez-vous. En 2002, au premier tour, c’est de quelques milliers de voix seulement que Lionel Jospin précède Jean-Marie Le Pen. Sueur froide. On n’y croyait pas. Et puis l’émoi du moment a vite passé, avec la victoire de Jospin sur Chirac on a un peu oublié l’affaire. Mais tout de même, un tel scénario – osons carrément proférer la chose : Le Pen au second tour des présidentielles, avec pour beaucoup d’électeurs de gauche le sentiment de devoir voter Chirac pour faire front –, un tel scénario n’avait rien d’invraisemblable. Il aurait suffi par exemple que Charles Pasqua ne soit pas parvenu à réunir ses cinq cents signatures et se soit retrouvé dans l’impossibilité de se présenter. On peut très bien imaginer qu’une partie de ses voix se soit reportée sur le leader du Front National. La chose est tout à fait possible. Evidemment on dira que je vois les choses en noir, ou que mon imagination galope. Sans doute. Mais enfin, faisons comme si la chose avait pu avoir lieu. Que se serait-il passé si on s’était retrouvé avec un second tour Chirac / Le Pen ? L’extrême droite a beau être bien implantée dans notre pays depuis toujours, j’ai du mal à imaginer que Le Pen ait obtenu plus de 20% des voix. Allez, soyons larges, 25%. (Oui, sa fille, aujourd’hui, avec son FN new look et la crise que nous traversons pourrait peut-être faire un peu plus, c’est possible. Mais restons en 2002.) Indépendamment de ce qu’on pense des idées défendues par le Front National, n’y a-t-il pas quelque chose de scandaleusement illogique, comme dirait Spok, à ce que le candidat choisi pour affronter Chirac au second tour soit l’un de ceux qui ait le moins de chances de l’emporter ? Car même à 25 % (et entre nous je ne pense pas que Le Pen aurait atteint simplement les 20 %), son score aurait été ridicule. Jospin a fait 51. Bayrou aussi aurait sans doute eu des chances de battre Chirac. Et Chevènement. Mais même parmi les « petits » candidats, j’aurais été bien curieux de voir par exemple combien aurait fait Christiane Taubira, dont on n’entend plus tellement parler. Face à Chirac, elle aurait peut-être bien fait le double de Le Pen, qui sait. Quel sens aurait eu une telle élection, sinon la faillite de la Ve République ?
Non, la grande faute du Président Jospin, ça a été de pas tenter la grande réforme attendue des Français : qu’on tienne compte en premier lieu de ce dont ils ne veulent surtout pas. Ce n’est pas au second tour des élections qu’il faut voter contre, comme on aurait été amenés à le faire en 2002 dans mon scénario catastrophe, c’est au premier tour qu’il faudrait pouvoir le faire. Au premier tour, on devrait avoir la possibilité de voter contre le programme qui nous fait le plus horreur et d’éliminer le candidat qui le représente, afin de pouvoir procéder à un vrai choix aux deux tours suivants. Comme en démocratie, quoi.
Comment ? Ça fait trois tours ? Et alors ? 

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