mercredi 6 mai 2015

Mon jeune grand-père (80)



 Le 23 octobre 1917. Mes chers parents. Cette carte aussi est écrite à l’encre. Ça m’en facilite considérablement la lecture.
La correspondance continue à ne pas être régulière. Je n’ai rien reçu ces cinq jours-ci que la lettre de Papa du 1er et ses cartes des 3 et 4 plus une de Louis Mangot. Louis Mangot, c’est le nom de son cousin germain. Edmond précise sans doute le nom de famille pour éviter la confusion avec son frère. Je ne sais rien sur Louis Mangot. Comme colis c’est encore pire. La semaine dernière il n’y a pas eu d’arrivage ; j’ai reçu seulement ce matin le colis n°14. Les pommes étaient en bon état. La lettre du petit Louis est très gentille, quoique ne me paraissant peut-être pas aussi triste que l’on pourrait s’y attendre, mais il est encore très jeune, je crois ; quel âge ont-ils donc tous les deux, je ne m’en rappelle plus. Le « petit Louis » est certainement Louis Mangot, dont le père Hector, le frère de mon arrière-grand-mère, vient de mourir, le 21 septembre, à l’âge de quarante-trois ans, je ne sais pas comment – je sais juste qu’il était lui aussi officier. Il est possible aussi que ce jeune Louis ne veuille pas par sa lettre attrister son cousin prisonnier. Edmond est bien jeune aussi. Pour les manteaux, je ne sais ce qu’on répondra, mais d’après ce que je me rappelle, il ne doit pas y en avoir avec pèlerine. Je demandais un manteau simplement parce que c’est plus ample qu’une capote et qu’on peut le faire rectifier comme on veut. Je me doute bien que vous devez avoir du mal à vous procurer des boîtes pour mes colis. Si seulement je pouvais vous les renvoyer ! Je me rends bien compte du travail que vous devez avoir pour le déménagement ; je vous plains et regrette de n’être pas avec vous pour vous aider. Dimanche, 20 nouveaux officiers sont arrivés ici. Parmi eux il y en a trois qui nous avaient quittés il y a 4 mois ; il y a aussi un colonel. Ils viennent d’un camp de représailles où ils ont été assez malheureux. J’espère que l’indisposition de Louis n’est pas grave et qu’il sera bientôt remis. Mais oui. L’automne paraît vouloir être assez beau. Jusqu’à présent nous avons beau temps, quand il pleut, cela a lieu la nuit et dans la journée il n’y paraît pas. Je vous quitte mes bien chers parents en vs embrassant bien fort tous les 2 ainsi que Geneviève Louis et tte la famille. Votre fils qui vous aime. EAnn


2 commentaires:

  1. "camp de représailles" : brrrr! Comme si votre jeune grand-père, lui, n'était pas malheureux....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Son propre malheur était sans doute trop près pour qu'il le voie bien nettement.

      Supprimer